L'Institut de recherche océanique de Taiwan joue un rôle de premier plan dans la promotion des sciences et des technologies marines.
Le Legend, le navire de recherche le plus grand et le plus moderne de Taiwan, est rentré au port d'Anping, dans la ville méridionale de Tainan, le 8 octobre 2022, au terme d'une opération de 29 jours visant à étudier la lithosphère et l’asthénosphère, deux parties distinctes du manteau terrestre. L'expérience « Pacific Array » a déployé des sismomètres et des électro-magnétomètres sur le plancher du Pacifique occidental afin de mettre en place une surveillance sismique qui durera un an. Dans le même temps, les chercheurs à bord du navire ont utilisé un sondeur multifaisceaux pour cartographier les fonds marins à des profondeurs allant jusqu'à 10 860 mètres, établissant ainsi un nouveau record national pour l'exploration des profondeurs, alors qu'ils passaient au-dessus de la fosse des Mariannes, la section la plus profonde de l'océan sur Terre avec une profondeur maximale connue de près de 11 000 mètres. Des ballons météorologiques équipés de radiosondes ont été lâchés pour recueillir des informations sur la pression atmosphérique, l'humidité, la température et la vitesse du vent. En effet, les données recueillies lors de telles missions sont fondamentales pour comprendre la tectonique des plaques et l'évolution de notre planète.
« Chaque expédition est riche en découvertes scientifiques passionnantes, combinées à l'excitation de relever des défis tels que des conditions météorologiques défavorables et un calendrier serré », dit Kuo Ban-yuan [郭本垣], chef de l'équipe PA embarquée sur le Legend. Kuo Ban-yuan est un chercheur spécialisé dans la géophysique à l'Institut des sciences de la Terre de l'Academia Sinica, basé à Taipei. Le projet « Pacific Array » est le fruit d’une coopération entre l'Academia Sinica, l'Institut de recherche océanique de Taiwan (TORI), situé dans la métropole méridionale de Kaohsiung, et l'Université de Tokyo au Japon. Il rassemble 15 spécialistes de l'atmosphère et des sciences de la terre du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan.
Des scientifiques et des techniciens du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan posent ensemble pendant leur voyage dans le Pacifique occidental. (Photo aimablement fournie par Kuo Ban-yuan)
Inauguré en 2018, le navire de recherche de 2 629 tonnes utilisé dans le cadre du projet « Pacific Array » est exploité par le TORI sous l'égide des Laboratoires nationaux de recherche appliquée (NARLabs) et est équipé de dispositifs performants, notamment un véhicule télécommandé (ROV) d'une profondeur de travail maximale de 3 000 mètres pour collecter des données et des échantillons, ainsi qu’un système sismique multicanal à grand décalage pour recueillir des informations tectoniques, des bouées de collecte de données pour suivre les conditions atmosphériques et océanographiques et des carottiers à piston pour extraire des échantillons de sédiments. Ce navire ultramoderne contribue au progrès des connaissances océaniques de Taiwan ainsi qu’à l'élaboration des politiques gouvernementales. « Le Legend est un outil puissant pour les scientifiques qui effectuent des recherches sur des sujets tels que le changement climatique, l'exploration énergétique et les risques géologiques, déclare le directeur général du TORI, Wang Chau-chang [王兆璋]. Nous inaugurons un nouveau chapitre de notre recherche scientifique marine. »
Un emplacement idéal
Créé en 2008, le TORI est l'un des huit centres de recherche nationaux supervisés par les NARLabs, sous l'égide du Conseil national des sciences et de la technologie qui relève du Yuan exécutif. Il fournit des installations et des équipements permettant de mener des activités de R&D essentielles, notamment dans le domaine des technologies marines. L'institut mène des projets en partenariat avec l’Academia Sinica et la Commission géologique centrale (Central Geological Survey, abrégé en CGS) du ministère de l’Economie, ainsi qu'avec des établissements d'enseignement comme l’université nationale Sun Yat-sen (NSYSU) à Kaohsiung, l’université nationale de Taiwan (NTU) à Taipei et l’université nationale centrale (NCU) à Taoyuan. Elle a également signé des accords de coopération avec l'université allemande Christian-Albrecht de Kiel et l'université de Brême pour la recherche sur les hydrates de gaz, ainsi qu'avec l'agence japonaise des sciences et technologies marines et terrestres pour la promotion des sciences et technologies marines.
La situation géographique de Taiwan, aux confins des plaques eurasienne et philippine, en fait l'endroit idéal pour entreprendre des études telles que le projet « Pacific Array ». Selon Kuo Ban-yuan, la région est un laboratoire naturel pour tester la théorie de la tectonique des plaques et la déformation de la croûte ainsi que les phénomènes sismiques qui y sont associés, grâce à sa géologie inhabituelle. Il est important de comprendre les spécificités des événements de formation des montagnes et des changements de la croûte qui se produisent lors de la collision des plaques, ainsi que l'effet qui en résulte sur les failles, pour réduire et gérer les risques de catastrophes.
La production locale d'instruments océanographiques permet d’optimiser les coûts de la recherche. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)
Etant donné que la zone économique exclusive de Taiwan couvre cinq fois la superficie de sa masse continentale, il est essentiel de réaliser des études écologiques, géologiques et hydrologiques approfondies des eaux environnantes du pays. « Nous devons découvrir ce qui se passe dans nos territoires océaniques en ce qui concerne les espèces et les habitats aquatiques, la pollution industrielle et les risques naturels tels que les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, déclare ainsi le directeur Wang. Ce n'est qu'alors que nous pourrons évaluer pleinement les menaces pour la sécurité publique et formuler des plans pour conserver les ressources marines conformément à nos objectifs de développement durable. » De plus, en tant qu'État océanique, le pays dépend de la mer pour son alimentation, son énergie, ses loisirs, son commerce et ses voies de transport, ajoute-t-il.
Autonomie
Parmi les succès du TORI en matière de R&D figure un modèle de sismomètre sous-marin à large bande d'une profondeur de fonctionnement maximale de 6 000 mètres, qui a été développé en 2014 en partenariat avec l'Institut des sciences de la Terre de l'Academia Sinica et l'Institut de technologie sous-marine de la NSYSU. Ces sismomètres compacts, légers et économes en énergie coûtent un quart du prix de leurs équivalents étrangers.
« La fabrication locale d'instruments d'océanographie est d'une importance vitale, poursuit Wang Chau-chang. Cela permet de mieux servir les chercheurs nationaux tout en ouvrant de nouvelles possibilités de coopération internationale. » Jusqu'à présent, l'institut a collaboré avec ses homologues japonais et sud-coréens pour déployer des sismomètres sous-marins fabriqués à Taiwan dans leurs zones offshore respectives et recueillir des informations précieuses sur le bruit ambiant sous-marin pour la détection des événements sismiques.
Le TORI a en outre établi un réseau de radars à haute fréquence autour de Taiwan afin de surveiller les courants de surface. Ces données en temps réel sont précieuses pour identifier les sites propices à l’installation d’éoliennes et améliorer la sécurité des parcs éoliens en mer. « Nous sommes en train de développer des services de relevés océanographiques pour la recherche et le développement national, ajoute le directeur Wang. C'est un privilège pour nous de contribuer à accélérer l'adoption des énergies renouvelables, l'une des six industries stratégiques de base de Taiwan ». L'institut contribue à l'arpentage et à la cartographie des territoires océaniques nationaux afin d'assurer une utilisation efficace pour la conservation, la pêche, le développement énergétique et le tourisme.
La capitaine du Legend, Huang Jiu-xing, travaille en étroite collaboration avec des scientifiques pour planifier et exécuter des projets de recherche tout en supervisant le fonctionnement du navire. (Photo de Chen Mei-ling / MOFA)
Deep Discoveries
Selon Chen Song-chuen [陳松春], chef de la division des ressources géologiques de la Commission géologique centrale (CGS), la coopération étroite avec le TORI dans le cadre de voyages d'exploration, de projets de R&D et d'échanges de résultats de recherche a été essentielle pour les missions de la CGS. Les équipements de pointe fournis par le TORI permettent à l'organisation de Chen Song-chuen de réaliser des études et des collectes ciblées dans les profondeurs de l'océan. Parmi les projets bénéficiant de la collaboration inter-institutions figure une étude de la distribution des hydrates de gaz dans les eaux au large du sud-ouest de Taiwan entre 2004 et 2015, qui a révélé 12 emplacements possibles de gisements dans la région.
Ces résultats ont encouragé les scientifiques de Taiwan et de la France à entreprendre un voyage conjoint à bord du navire de recherche français Marion Dufresne en juin 2018 dans les zones identifiées par la CGS, et il a été confirmé que les carottes prélevées à environ 35 miles au large de Kaohsiung contenaient des hydrates de gaz. Également connus sous le nom de « glace inflammable », les hydrates de gaz se trouvent dans les sédiments océaniques profonds et les régions de pergélisol et constituent un combustible fossile inexploité à faible teneur en carbone considéré par beaucoup comme l'avenir de l'énergie. « Les réservoirs d'hydrates sont une source potentielle de gaz naturel et une alternative beaucoup plus propre que le pétrole brut ou le charbon, a déclaré Chen Song-chuen. Nous sommes ravis de découvrir que Taiwan est doté de cette ressource énergétique prometteuse. »
Un autre grand projet lancé par la CGS est une évaluation minérale en cours le long de la côte nord-est de Taiwan. Depuis 2016, l'équipe de recherche a mené plusieurs expéditions à bord du Legend, mettant en évidence six zones d'intérêt pour une exploration plus approfondie. Les efforts visant à localiser les « fumeurs noirs » - des gisements de tuyaux formés sur des fonds océaniques volcaniquement actifs par de l'eau surchauffée éjectée sous la croûte - dans les eaux au large du comté nord-est de Yilan et de la fosse d'Okinawa se sont avérés fructueux, les analyses d'échantillons de sources chaudes et de roches ignées révélant de riches gisements d'or, d'argent, de cuivre, de plomb et de zinc.
En soutenant de tels projets, l’Institut de recherche océanique de Taiwan ouvre la voie à une gestion des ressources marines durable et fondée sur la recherche. « Les sciences marines peuvent nous aider à comprendre les changements qui se produisent dans le système océanique et à concevoir des stratégies d'atténuation et d'adaptation tout en exploitant les avantages économiques, environnementaux et sociaux, dit Wang Chau-chang. Nous continuerons à coordonner la recherche interdisciplinaire à tous les niveaux afin de cultiver les connaissances nécessaires pour obtenir des océans sains, sûrs et résilients. »